Au Cameroun, les violences faites aux femmes ne se limitent pas à la sphère domestique. En milieu professionnel, elles se manifestent sous différentes formes, affectant profondément les victimes.
Les violences faites aux femmes en milieu professionnel sont une réalité alarmante au Cameroun, mais souvent reléguées au second plan dans les débats sur les droits hu- mains et l’égalité de genre. Ces violences se manifestent sous des formes variées, allant du harcèlement sexuel aux discriminations à l’em- bauche, en passant par des abus verbaux, des pressions psy- chologiques et des iné- galités de traitement salarial. Selon l’Institut national de la statistique (Ins), les violences émo- tionnelles et psy- chologiques subies par les femmes occupées dans le secteur formel et informel sont en con- stante progression, at- teignant 22 % en 2020.
Ce chiffre, déjà inquié- tant, n’inclut pas les nom- breux cas non signalés, souvent ignorés par crainte de représailles ou par manque de mécan- ismes de protection adéquats. Dans le monde du travail, les vio- lences faites aux femmes sont souvent banalisées. Les témoignages recueil- lis montrent que les femmes subissent des pressions constantes dans leur quête d’égalité professionnelle. Cer- taines rapportent avoir été victimes de harcèle- ment sexuel de la part de leurs supérieurs ou col- lègues, une situation ag- gravée par le silence des Employeurs et l’absence de sanctions.
Les secteurs les plus touchés incluent les entreprises privées, les organisations informelles et même certaines adminis- trations publiques. Les témoignages de nom- breuses victimes révèlent des schémas récurrents, des promesses d’avance- ment conditionnées à des faveurs sexuelles, des re- marques sexistes hu- miliantes et un environnement de travail toxique qui pousse cer- taines femmes à quitter leur emploi. « Après avoir dénoncé mon chef qui multipliait les avances et les menaces, j’ai été li- cenciée sans explication », confie une ancienne employée d’une société basée à Douala.
Le harcèlement sexuel n’est cependant qu’une facette du problème. Les femmes font également face à des discrimina- tions systémiques, no- tamment en matière de salaires, d’accès aux pro- motions ou encore de sécurité au travail. Ces formes de violence économique, bien que moins visibles, ont des conséquences tout aussi graves sur leur au- tonomie et leur bien-être.
Cadre juridique encore insuffisant
Malgré des avancées dans les politiques publiques, le Cameroun ne dispose pas encore d’une législation spéci- fique pour lutter contre les violences faites aux femmes en milieu profes- sionnel. Bien que le Code du travail protège théoriquement les em- ployés contre les abus, son application reste faible, surtout dans les secteurs informels où les violences sont les plus fréquentes. Face à cette situation, des initiatives associatives émergent pour sensibiliser et ac- compagner les victimes.
Des organisations telles que le Réseau des défenseurs des droits des femmes (R2df) or- ganisent des ateliers de formation et des cam- pagnes de sensibilisation dans les entreprises. En novembre 2023, le min- istère de la Promotion de la femme et de la famille
ton homme violent », qui a mis en lumière les féminicides au Cameroun.
Cependant, ces actions restent inégales face à l’ampleur du problème. Les experts appellent à une réforme urgente, no- tamment l’adoption d’une loi contre les violences basées sur le genre, in- cluant des dispositions spécifiques pour protéger les femmes dans le cadre professionnel.
Lutte indispensable pour l’avenir
Les violences en milieu professionnel ne sont pas seulement une atteinte aux droits des femmes, elles freinent également le développement économique et social du pays. En marginalisant la moitié de sa population active, le Cameroun se prive d’un potentiel im- mense. Pour briser ce cercle vicieux, il est im- pératif de renforcer les mécanismes de signale- ment, d’appliquer des sanctions exemplaires contre les agresseurs et de promouvoir un envi- ronnement de travail re- spectueux et équitable.
La lutte contre les vio- lences faites aux femmes en milieu professionnel est une bataille à mener sur tous les fronts. Elle nécessite une mobilisa- tion collective, aussi bien des institutions publiques que des entreprises, des syndicats et de la société civile. Seule une action concertée permettra de briser le silence qui en- toure ce fléau et de garantir aux femmes camerounaises un avenir professionnel digne et sécurisé.
Ange Pouamoun