samedi 24 mai 2025

Au lendemain des affrontements meurtriers dans les plantations de canne à sucre, le Cameroun sous le feu des critiques européennes

Depuis plus d’une semaine, les travailleurs saisonniers de la Sosucam, entreprise qui pro-

duit la majeure partie du sucre consommé au Cameroun, sont en grève générale. Leurs revendications, pourtant simples, restent lettre morte, le retour des catégories salariales supprimées en novembre 2023, le ré- tablissement du paiement des sa- laires au plus tard le 5 de chaque mois, et une revalorisation des sa- laires de base à 100 000 FCFA par mois.

À ce jour, un manœuvre agricole ne perçoit qu’un salaire net de 60 000 FCFA au maximum. En réponse, la direction générale de la Sosucam a publié une note interne le 2 février 2025, qui a été perçue comme une esquive des revendications. Les ten- sions ont atteint leur paroxysme lorsque les travailleurs, exaspérés par l’absence de dialogue, ont détruit 150 hectares de plantations de canne à sucre. Ces émeutes ont conduit à l’in- tervention des forces de l’ordre, dé- clenchant des affrontements meurtriers. Dans sa lettre adressée à la Commis- sion européenne, Marina Mesure dénonce une situation qui dépasse le cadre local. « Les autorités locales ont réprimé les manifestations et di- verses sources médiatiques concor- dantes rapportent plusieurs morts parmi les manifestants ». Selon elle, cette crise révèle « une répression syndicale structurelle » exercée par la direction de l’entreprise en violation des droits fondamentaux des travail- leurs, notamment la liberté syndicale.

L’Europe appelée à intervenir

La députée européenne rappelle que la Sosucam, en tant que filiale du groupe français Somdiaa, place cette crise sous la responsabilité indirecte de l’Union européenne. En vertu de la récente directive 2024/1760 sur le de- voir de vigilance des entreprises, le groupe Somdiaa pourrait être tenu responsable des violations des droits des salariés de sa filiale camerou- naise. Dans sa lettre, Marina Mesure interpelle directement le commissaire européen Maros Sefcovic.

« Compte tenu des éléments précités, pouvez-vous me préciser quelles ac- tions la Commission compte-t-elle en- treprendre afin d’assurer le respect des droits des travailleurs de la filière sucrière dans le pays ? En outre, comptez-vous alerter les autorités françaises concernant la responsabi- lité probable de l’entreprise Somdiaa dans les violations répétées des droits des salariés de la Sosucam ? ».

Elle insiste également sur la néces- sité pour l’Union européenne de conditionner ses relations commer- ciales avec le Cameroun au respect des droits humains, conformément à l’Accord de partenariat économique (Ape) entre l’Ue et le Cameroun.

Un dialogue impossible

Sur le terrain, la situation reste ten- due. La direction de la Sosucam re- fuse systématiquement d’intégrer le Syndicat des travailleurs saisonniers de la filière canne à Sucre aux négo- ciations. Cette marginalisation ali- mente un profond ressentiment parmi les employés, qui se sentent méprisés par une direction jugée paternaliste.

Pour l’heure, les travailleurs saison- niers attendent toujours des réponses concrètes à leurs revendications, tan- dis que les critiques internationales s’intensifient. La lettre de Marina Me- sure marque un tournant dans ce conflit, en plaçant la Sosucam et son groupe mère Somdiaa sous les pro- jecteurs de l’Union européenne. Si la Commission européenne décide d’agir, ce dossier pourrait devenir un cas d’école en matière de respect des droits humains dans les relations commerciales internationales. En at- tendant, au Cameroun, le conflit conti- nue, et la situation reste explosive.

Ange Pouamoun

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