samedi 24 mai 2025

Après une manifestation devant le ministère de l’Enseignement supérieur (Minesup), les Docteurs Ph.D sans emploi ont sus- pendu leur mouvement de grève. Cette accalmie fait suite à des engagements pris par le Ministre Jacques Fame Ndongo

Jeudi dernier, 20 février 2025, l’esplanade du ministère de l’Enseignement supérieur (Mine- sup) a été le théâtre d’une manifestation inédite. Arbo- rant fièrement leurs toges académiques, les membres du Collectif des Docteurs/Ph.D chômeurs in- dignés du Cameroun (Cdpcic) ont exprimé leur frustration face à ce qu’ils considèrent comme une in- justice flagrante dans le pro- cessus de recrutement spécial des Enseignants dans les nouvelles universi- tés d’État.

Les manifestants dénoncent des « incohérences » dans la sélection des candidats retenus lors de la deuxième phase de ce recrutement. Dans leur déclaration offi- cielle, ils fustigent notam- ment le favoritisme, le recrutement de Fonction- naires déjà en poste, et la sélection de candidats fraî- chement diplômés au détri- ment de Docteurs expérimentés. « Nous avons relevé l’inadéquation entre le profil de certains re- crutés et les postes ouverts, chose qui laisse transparaî- tre des manœuvres de favo- ritisme, d’injustice et de bafouement du mérite », peut-on lire dans leur com- muniqué. Ils critiquent éga- lement la disparition inexpliquée de postes dans certaines filières et souli- gnent que leurs années de sacrifices et d’études avan- cées ne devraient pas les condamner à la précarité.

Le porte-parole du mouvement, Dr Chuo Walters, a déclaré au micro de nos confrères du Quatrième Pouvoir, « un Doctorat Ph.D. est par définition le plus haut niveau d’étude universitaire, un diplôme qui consacre un individu comme un expert. Mais que voyons-nous aujourd’hui au Cameroun ? Des docteurs, censés être des moteurs de développement, réduits à supplier l’État pour un em- ploi. Une honte ! »

Dialogue sous tension au Minesup

Face à la pression crois- sante, le Ministre d’État, Jacques Fame Ndongo, a reçu une délégation des manifestants dans la soirée du jeudi 20 février. Lors de cette rencontre, le Ministre a tenu à rappeler la rigueur du processus de recrutement, organisé en plusieurs étapes : sélection initiale, audition par le Comité Tech- nique, et validation par la Commission centrale de su- pervision. Il a toutefois re- connu les frustrations des recalés et s’est engagé à transmettre leurs revendica- tions à la « haute hiérarchie ».

Le Minesup a également annoncé l’ouverture pro- chaine de la troisième phase de recrutement, conformément aux très hautes instructions du prési- dent de la République, Paul Biya. Les candidats sont in- vités à mieux se préparer et à explorer d’autres formes de recrutement, comme les remplacements numériques. Cette réponse semble avoir temporairement apaisé les tensions. Le collectif a dé- cidé de suspendre leur mouvement, tout en préci- sant que cette trêve reste conditionnée au respect des promesses faites. « Si les engagements pris ne sont pas respectés, nous revien- drons à la charge », a pré- venu Dr Walters.

Crise symptomatique d’un système en panne

Ce mouvement met en lu- mière les limites du système éducatif camerounais, no- tamment dans le cadre de la réforme Licence-Master- Doctorat (Lmd). Introduit pour professionnaliser les formations et faciliter l’inser- tion sur le marché du travail, ce système semble avoir échoué à atteindre ses ob- jectifs. « L’État doit cesser de former autant de doc- teurs Ph.D. si c’est pour qu’ils deviennent une charge sociale », a déclaré Steve Fah, un critique de la situation.

Avec la prolifération des établissements privés et l’apparente baisse des cri- tères d’exigence acadé- mique, nombre de diplômés peinent à trouver leur place dans un marché saturé. « Il est temps de remettre de l’ordre dans ce système et d’exiger un niveau d’excel- lence qui fasse honneur à ce titre », a ajouté Fah. Pour les manifestants, le combat continue. En attendant la publication des listes addi- tives et l’ouverture de la troi- sième phase de recrutement, ils appellent l’État à respecter ses enga- gements et à garantir une gestion juste et transparente des opportunités d’emploi.

Une chose est certaine, cet épisode a révélé les pro- fondes fractures d’un sys- tème universitaire en quête de réforme.

Ange POUAMOUN

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